par Maître Hugo THUET, Commissaire de Justice Associé et membre du Think tank du droit immobilier
Les constatations d’un procès-verbal d’expulsion par commissaire de justice, soumis à la libre discussion des parties, peuvent faire la preuve de dégradations locatives.
Au visa, d’une part, de l’article 1353 du code civil, qui précise que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et que réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation et, d’autre part, de l’article 7, c) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, selon lequel le locataire est obligé de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive, à moins qu’il ne prouve qu’elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d’un tiers qu’il n’a pas introduit dans le logement, la Cour de cassation juge que les constatations d’un procès-verbal d’expulsion dressé par commissaire de justice, soumis à la libre discussion des parties, peuvent faire la preuve de dégradations locatives.
En l’espèce, la locataire d’un appartement est expulsée de son logement en exécution d’une ordonnance de référé constatant l’acquisition de la clause résolutoire stipulée au bail et ordonnant son expulsion. À la suite de la récupération des lieux, le bailleur introduit une demande en paiement au titre des dégradations locatives. À titre de preuve, il produit le procès-verbal de constat d’expulsion mentionnant que l’appartement était sale et même saccagé ainsi que l’état des lieux de sortie confirmant l’état de l’appartement.
La cour d’appel rejette sa demande en raison de l’absence de caractère contradictoire du procès-verbal d’expulsion et de l’état des lieux. Elle juge que l’état des lieux de sortie a été établi de manière unilatérale par le mandataire du bailleur, qu’il n’a donc aucune force probante et qu’il appartenait au bailleur de solliciter un huissier (devenu commissaire) de justice pour le réaliser. Elle considère que le procès-verbal d’expulsion ne peut en aucun cas se substituer à un état des lieux établi contradictoirement par un commissaire de justice.
Le bailleur se pourvoit en cassation. La Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la cour d’appel pour les motifs indiqués ci-dessus.
- Civ. 2e, 13 juin 2024, n° 22-22.498